jeudi 17 décembre 2015

Josée Van Lierop / Bernard Dumand




28 jours de face à face



  


Dessins de Josée Van Lierop
Textes de Bernard Dumand



Dans le livre de dessins et de textes qu’ils ont réalisé ensemble, Josée Van Lierop et Bernard Dumand ont déjoué un destin hasardeux pour rejouer leur propre vie à un moment où ils ne se sentaient plus guère maîtres du jeu.

Ce qu’ils disent dans leur introduction à 28 jours de face à face est très clair : « Ce témoignage est né de notre propre expérience et de l’observation des autres pensionnaires pendant un séjour en Hôpital Psychiatrique. Nous avons essayé d’exprimer jour après jour ce que nous vivions sous forme d’œuvres (couleurs + formes et non pas de façon illustrative ou figurative) et mots-clés liés aux images. »
S’ensuivent 28 dessins de Josée Van Lierop et 28 mises en scène des mots-clés de Bernard Dumand, travail d’approfondissement de leur rencontre lors de leur « internement » qu’ils vont transformer en libération intérieure/extérieure à peine deux ou trois mois plus tard.




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Retrouver l'aventure de vivre



Pour Josée et Bernard



Bernard Dumand

Josée Van Lierop




des jours de face de profil
profil de la douleur
des jours de face à soi de face à l’autre
des jours de face à la couleur des jours
à la douleur de l’heure à la doublure du temps
des jours de face à dos de soi
grimpé sur son propre dos
pour faire signe à l’autre à l’autre-soi
à la solitude de chacun
la solitude sortie dans le couloir reconnue inconnue
des jours de face à face dos à dos 
dans l’extrême dénuement de la présence
je tu il elle
et les nous et les ils et les ailes
battues grandes ouvertes séchant au soleil 
pleurant dans l’ombre
les ailes repliées ailes rêvant d’ailes
un regard d’amour
un regard qui vient de plus loin que les yeux
du fond de l’histoire de chacun
un regard qui fait naître 
qui abolit la mort
des jours pour désapprendre le pseudo-réel
des jours pour lire l’illisible
pour découvrir l’alphabet des passions souterraines
pour arracher la vie à la vie
pour habiter sa propre peau sans habits sans habitat
dans la grotte du cerveau inexploré




J V L

B D









des jours de face à face
avec ce qui n’a ni dos ni face
avec le désir soudain en perdition
mais jamais perdu
sa couleur jamais définitivement noire
sa couleur 
son odeur toujours prête à mystérieusement jaillir
griffures de l’espace mental
équilibre menaçant menacé
le bonheur c’est comme le malheur
l’heure bonne l’heure mauvaise
l’heure comme le leurre des étoiles dans la nuit
des étoiles dans les yeux
croire que parce qu’on serait dehors 
on ne sera plus dedans
à l’intérieur de soi
à l’intérieur de l’autre
des jours pour aller vers la vie en soi
des jours pour s’endormir dans l’autre
dans l’autre-soi
des jours pour repeindre le ciel
pour explorer les pastels du noir couleur explosive
des jours en apnée
avant de revenir à la surface profonde
des jours avec des jours sombres
des jours avec
des jours contre
des jours pour 
des jours sans
des jours blessés
des jours victorieux
du temps qui revient lancinant
du temps qui revient comme du printemps en hiver
avec la folle liberté du rêve
il y a un fil secret qui relie l’homme aux errances de sa pensée
les taches de lumière
le sens improvisé des beautés malheureuses
il y a des jours qui sauvent le temps
il y a de la souffrance qui ne disparaît jamais 
plus pure que le cristal des larmes
il y a la solitude brisée
l’homme sans visage
la femme qui recoud le fil de la vie
il y a l’ordinaire
redevenant doucement extraordinaire
le pas de côté qui réinvente la marche
il y a des doigts qui cherchent une main
il y a de l’air pour une ou deux respirations
il y a un silence troué par
des bras qui se tournent vers demain


                                               Pierre Vandrepote




J V L

































B D