samedi 27 mai 2017

Richard Métais, des sculptures inclassables




En interrogeant les sculptures de Richard Métais 



Richard Métais -Union- métal et bois, 2017












     


    

     De quoi sommes-nous sûrs lorsque nous voyageons dans le réel, lorsque nous y imprimons nos pensées vagabondes, lorsque notre œil contemple une rue soudain vide, lorsqu’une photographie se reflète dans la vitre d’un magasin, lorsqu’un bout de ferraille attire notre regard comme s’il était déjà l’esquisse d’un paysage ou d’un visage, souvenir inconsciemment enregistré de ce qui n’existe pas encore, qui existera peut-être, mais qui sait ? Sans doute ne pourrons-nous jamais écrire une histoire du réel tel qu’il s’est inventé depuis que l’homme s’est mis à rêver une histoire particulièrement chaotique, la sienne, ancienne et pourtant toujours neuve, partant de ce qui est, de l’existant à sa disposition, l’emmenant vers d’autres formes d’existences pour tenter de se reconnaître, lui qui se connaît si mal, qui regarde sa main étrange et familière, lui à qui tout est énigme, la main et le marteau, la plasticité de l’eau et la brûlure du feu, la dureté du fer et sa rouille ou son éclat. 



Richard Métais - L'isolé- métal, 2017



     Ce sont bien nos sens qui nous conduisent à produire du sens, à inventer de la signification. Nos sensations valent sens, nous permettent d’interpréter le réel, de le modifier, voire de l’agrandir, selon les lois du rationnel certes, mais aussi selon celles de l’imaginaire de chacun, selon les influx de la pensée en roue libre de chaque individu. L’idée selon laquelle l’œuvre d’art serait uniquement l’expression d’un « moi profond » de l’artiste n’est pas si satisfaisante qu’il y paraît. Il vaudrait peut-être mieux se demander quelle sorte de pont se jette d’un individu à un autre, d’une réalité à une autre, de notre cerveau à un paysage, de notre nuit à la nuit de l’autre, de notre jour au regard qu’il nous fait poser sur le monde. 



Richard Métais -Abori- métal peint, 2016



















    


     
     Échangeant avec Richard Métais à propos de son travail de sculpteur, nous en sommes rapidement venus à des questions qui ne relèvent guère de la pure esthétique. La création telle qu’il la pratique l’amenant assez souvent à donner forme à des sortes de personnages, voire de « portraits », ces êtres paraissent figurer des esprits beaucoup moins imaginaires qu’on pourrait croire. Parler de créations médiumniques est sans doute excessif (sauf, peut-être, dans quelques rares cas dont il est le seul à détenir la clef), pourtant l’individu Richard Métais, au moins autant que le sculpteur qu’il est, semble recevoir presque avec violence l’aura de l’autre avec une très grande perméabilité psychique. Et voilà sans doute le fait le plus étonnant : Richard sculpte le métal, le matériau le plus dur, que souvent il polit comme pour en réfuter l’usure, alors qu’il est extraordinairement sensible à la fluidité des êtres, à leur fragilité, à leur passage léger sur une terre que nous percevons de moins en moins comme éternelle. Fugacité de notre être et de nos sentiments d’une part, désir d’une immortalité rêvée d’autre part. 



Richard Métais -Sorcière du marais- métal, 2011



   Ces êtres qu’il sculpte seraient-ils finalement des intercesseurs entre le monde connu et le monde connaissable, se tenant dans l’entre-deux des forces qui circulent dans nos inconscients collectifs ? 
   Ces personnages qu’il fait advenir n’appartiennent à personne, ils ne sont ni à lui ni à nous. Pour tout dire, ils sont même largement insituables sur une gamme qui irait de l’humour au lyrique. Ce qui est sûr pourtant, c’est qu’il ressent l’étrange nécessité de les faire exister dans un espace où l’autre peut les partager avec lui, sans déchirer le voile originel du mystère qui les entoure. 
                                     
                                                                                                                 Pierre Vandrepote 




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